La semaine dernière pendant l’apéro
Je contais à mes potes à peu près en ces termes
La rencontre étonnante que je fis le matin:
« J’étais sur la place, c’est jour de marché
Comme d’accoutumée, d’abord je passe
Au boucher, et ensuite aux légumes et là
Je tourne le coin et devant moi, que vois-je ?
Une zébresse !
Vous allez me dire, ça tourne pas rond dans ma tête
Mais elle servait les clients, je vous jure !
Alors, je m’avance. Mais là je remarque:
Justement, que les autres remarquent nullement
Pendant qu’elle me sert, je l’observe un peu
D’emblée, elle est belle: un port cavalier
Sous une crinière d’un noir éclatant
Lancée avec grâce sur son encolure
Flattée par les tons de sa robe bichrome
Je peux la décrire des oreilles à la croupe
Le moindre détail est un ravissement
Veuillez accepter mes excuses, j’arrête
Tout net. Car voilà donc l’objet du propos:
Jamais, je dis bien que jamais, j’ai perçu
Pareille tristesse au creux d’un regard
Pas contre moi, bout de cristal. Ni dégun
Du monde restait qu’un regard omniscient
Traçant dans le vide, un nombre infini
De rayons noirs et blancs »
Aujourd’hui, de retour, en place de l’étal
Se trouvait un grand vide, qui transperça mon torse
Il n’y a qu’une seule terrible raison
Qui pourrait expliquer cette absence tragique
Un seul geste, puissant et grandiose comme elle.