Il n’y a rien de plus beau qu’une placide montagne
Qui se laisse gravir et soumet son sommet
Aux assauts dérisoires d’une puce excitée
L’alpiniste fougueux croit pouvoir la dompter
Ses poumons sont à vif, et pourtant il exulte
Plus ça va plus il sent la montée en pression
Puis soudain: oui, ça y est ! Le climax ! Il culmine !
Haletant et groggy il s’affaisse dans la neige

Il n’y a rien de plus beau qu’une placide montagne
Qui se laisse gravir et soumet son sommet
Aux chatouilles d’un chamois, aux caresses du vent
Qui consent aux grattouilles d’un lapin de garenne
Ça serait gentillet (si ce n’est écœurant)
Mais les voies montagnoles sont impénétrables
Le lapin a tôt fait de périr sous la neige
Asphyxié par la chute, par le flot congelé
Recouvrant les sorties de son trou protecteur
Avalanche d’ailleurs qui balaie le chamois
Cinq-cents mètres en aval, tout au fond du ravin

Si momentanément ces bestioles l’intriguent
Le vieux mont est rodé par deux-cents millions d’ans
Si l’éminence se mêle du sort du grimpeur
Si elle joue avec lui par-delà les âges
Et si elle s’en trouve pas lasse, alors
Il n’y a rien de plus beau qu’une placide montagne
Qui se laisse gravir et soumet son sommet