Nouvelle Orthographe Phonologique

Le présent document est une tentative de simplification de l’orthographe du français. Contrairement à la majorité des propositions antérieures, celle-ci n’est pas basée uniquement sur la fantaisie de son auteur. Il faut bien sûr une certaine dose d’excentricité pour se prêter d’intérêt pour ce genre de passe-temps, mais j’ai voulu me laisser guider par des grands principes et des justifications linguistiques, de façon à minimiser les décisions arbitraires.

Bien que l’exercice ait été amusant, le résultat est bien trop radical pour avoir une quelconque chance d’adoption. Si vous cherchez quelque chose de plus réaliste, mais néanmoins basé sur une réalité linguistique, je ne saurais trop vous recommander Érofa.

Principes

Ces principes sont ordonnés par importance relative et considérés axiomatiques.

  1. englobante1
  2. morphologique2
  3. phonologique3
  4. univoque
  5. proche de l’orthographe traditionnelle4
  6. moderne5
  7. concise
  8. adaptée aux dyslexiques
  9. adaptée aux dispositifs de saisie utilisés par les francophones
  10. proche des créoles à base lexicale française et des autres langues romanes

Méthode

Nous limitons l’arbitraire aux principes et à leur ordonnancement, le reste doit être justifié par des arguments linguistiques.

Champ d’application

La NOP se limite à des prescriptions orthographiques. La grammaire et le vocabulaire sont des faits de langue, sur lesquels se base notre travail. Mais la NOP les prend tels quels, et n’a aucunement vocation à les changer.

Limites

Je n’ai aucun diplôme en linguistique. Je suis un locuteur du dialecte lyonnais qui a un peu étudié le français méridional. Je m’attends à ce que les principales lacunes soient le français canadien et les français d’Afrique.

Graphèmes6

Consonnes

Phonème7Ancient graphèmeGraphèmeExemplesNotes
bbbba
ppppa
tttté, ta
ddd
kk, c, chqqiLa lettre k est rare. La lettre c correspond à trop de sons en orthographe traditionnelle. Il nous reste q.
ggu, gggi = guiLe u est toléré4
mmmma
ŋ(g)ngngqanpingLa qualité de ŋ en tant que phonème fait débat dans la littérature scientifique (Le statut phonologique de la nasale vélaire en français contemporain, Le Français Moderne 1992, pages 82-96). Toutefois, ça ne nous posera pas problème. En effet, soit on admet la disparition du /g/ final dans les mots où on le trouve (/\kɑ̃.piŋ, Canada), auquel cas on notera le phonème ng (car proche de l’orthographe traditionnelle, calquée sur l’anglais). Soit on ne l’admet pas (/\kɑ̃.piŋɡ, Europe), auquel cas /ŋ/ est considéré comme un allophone de /n/.
nnnni
ɲgnnyginy, ony(on)Comme en catalan. /ŋ/ se transforme en [ŋɡ] dans la plus grande partie du monde francophone.
ʁ, ʀ, χ, r, ɾrrra
ff, phfnénufar, falusLe ph a été supprimé lors de la réforme de 1990 lorsqu’il n’est pas étymologique. Comme les autres langues romanes, on le supprime pour unifier le phonème f.
vvvvi
ss, ç, c, t, sc, x, sçssic n’encode pas toujours ce phonème, s et ç ne sont pas ambigus. s est plus courant que ç.
zz, s, (x)zzizi
ʃchchca, chaLe h est toléré4
ʒj, gjjeg n’encode pas toujours ce phonème, j n’est pas ambiguë.
ɥuiuit
woioaoa
jy, iyay
lllla

Voyelles

Phonème7Ancient graphèmeGraphèmeExemplesNotes
aaaa
ɑa, âââmCe phonème est en voie de disparition en France, mais toujours utilisé dans les autres pays francophones
eæ, é, eéé
ɛai, è, ê, ei, eèpètr
ɛ̃ain, aim, ein, in, (i)en, (o)inènciènmien/mienne, plein/pleine, roumain/roumaine. porcin/porcine. On a choisi “èn” plutôt que “in” parce qu’il rend transparent la formation du féminin plus fréquemment que “in”. Voir l’analyse
ɑ̃an, am, en, em, aonananplan/plane pour certains mots. Je n’ai pas trouvé la même correspondance pour les autres graphèmes traditionnels
oau, eau, ô, ooo
ɔau, oôpôst
əeele, ce
øe, eu, œeupeu, veu
œeu, œ, eu, œuêjên, êf
iiii
ɔ̃on, omononbon/bonne. Pour tous les mots basés sur la racine -nom, le m est étymologique comme dans “nomme”. Ce n’est pas à garder car cela ne concerne qu’une racine qui n’est pas un adjectif
uououou
œ̃un, umunbrunLe digramme un a un avantage étymologique brun/brune, etc

L’accent ◌̂ postériorise la voyelle (sauf pour “â” ou il l’ouvre).
Le digramme ◌n nasalise la voyelle.

Casse

Minuscules et les majuscules ne sont jamais mélangées. Les minuscules sont préférées, les majuscules sont considérées comme une police de caractères alternative.

Diérèse

Le h sert à séparer les digrammes: tohubohu, pahn, cohn, de façon similaire. Il est recommandé mais optionnel. Dans l’orthographe traditionnelle, on utilise le h (dahu, tohu-bohu) ou le tréma ◌̈ (cigüe, ambigüe), plus fréquemment. Les deux étant tout de même assez rares, on a fait le choix d’utiliser le h, car il est facile à trouver sur tout les claviers, et nous rapproche de l’orthographe italienne.

Mots composés

Pas de tiret. Ce sont des mots à part entière, puisqu’ils figent parfois des prononciations anciennes8 et qu’ils ne s’accordent pas intérieurement (un cessez-le-feux, des cessez-le-feu et non pas des cessez-les-feux).

Certains mots composés ne sont pas encore fossilisés. C’est par exemple le cas de clair-obscur qui peut prendre une liaison interne au pluriel. Dans ce cas on peut écrire le mot de façon décomposée, selon la prononciation que l’on adopte personnellement.

Les nombres sont des noms composés.

Liaisons9

Les /t/, /z/, /n/, /ʁ/ finaux marquent les lettres de liaisons.
Les liaisons en /k/ sont désuètes, on ne les garde donc pas.8

Les lettres de liaisons sont présentes même quand elles ne sont pas prononcées, car on cherche à respecter le second principe.

Comme dans l’orthographe traditionnelle, les mots qui n’acceptent pas la liaison prennent un h initial (léz hariqo). Contrairement à l’orthographe traditionnelle, uniquement ceux-ci prennent un h initial (méz omajez).

Pluriel

On note le pluriel par un “z” (puisqu’il sert parfois à faire la liaison). S’il y a déjà une lettre de liaison, le “z” va après (comme dans l’orthographe traditionnelle): “léz peutitz anfanz”.

Élisions10

Comme dans l’orthographe traditionnelle, les élisions sont marquées par une apostrophe (“j’è”), sauf s’il s’agit d’une chute de e caduc: “cante aveq moi”.

Lorsque l’élision s’est fossilisée (comme dans “aujourd’hui”), on retire l’apostrophe et on considère le mot comme mot à part entière.

e caduc

Le e caduc ne choit pas en français méridional. On le maintient donc comme dans l’orthographe traditionnelle.11

Exemple

léz ômez nèset é demêret librez ét égoz an droa. lé distènqsionz sosialez ne pêvet ètre fondéz qe sur l’utilité qomuhn.
le but de toute asosiasion politiqe èt la qonsèrvasion déz droaz naturèlz é ènprésqriptiblez de l’ôme. séz droaz sont la libèrté, la propriété, la sureté, é la rézistanse a l’oprésion.


  1. On cherchera un compromis entre les dialectes et les niveaux de langue, une orthographe-toit. On prêtera une attention particulière aux dialectes sub-sahariens, qui sont ordinairement peu considérés par les organismes de standardisation du français, alors que l’Afrique compte la majorité des locuteurs du français, situation qui devrait s’intensifier↩︎

  2. On cherche à reproduire le modèle psychologique du locuteur. (La réalité psychologique des phonèmes, Sapir, 1933) ↩︎

  3. Y compris pour les mots étrangers. ↩︎

  4. Pour faciliter la transition, la NOP tolérera parfois une graphie plus proche de l’orthographe traditionnelle (inversion du principe 4 et 5). ↩︎ ↩︎ ↩︎

  5. On prend en compte les derniers changements vocaliques. Ce qui veut dire que la NOP est déjà obsolète ! On prendra donc soin de la mettre à jour régulièrement. Mais j’ai espoir que les principes, eux, résisteront à l’épreuve du temps. ↩︎

  6. https://fr.wikipedia.org/wiki/Prononciation_du_fran%C3%A7ais ↩︎

  7. https://fr.wikipedia.org/wiki/Phon%C3%A8me ↩︎ ↩︎

  8. Sauf si elles se sont fossilisées à l’intérieur d’un mot composé comme “croc-en-jambe”. ↩︎ ↩︎

  9. https://fr.wikipedia.org/wiki/Liaison_en_fran%C3%A7ais ↩︎

  10. https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lision ↩︎

  11. Eychenne, J. (2006) ↩︎

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